Berberis
Dans l'Encyclopédie ou Dictionnaire
raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une Société
de Gens de lettres
Epine - Vinette, berberis, (Hist. nat. bot.) genre de plante
à fleur en rose, composée de plusieurs pétales
disposés en rond. Il s'éleve du milieu de la fleur
un pistil, qui devient dans la suite un fruit de figure cylindrique,
qui est mou, plein de suc, & qui renferme une ou deux semences
oblongues. Tournefort, inst. rei herb.
L'épine - vinette est un arbrisseau épineux, qui
croît naturellement en Europe dans les bois & dans les
haies des pays plus froids que chauds, & plûtôt
en montagnes, que dans les vallées. Il pousse du pié
plusieurs tiges assez droites, dont l'écorce lisse, mince,
grise en - dessus, est d'une belle couleur jaune en - dessous.
Ses jeunes branches sont hérissées d'épines
foibles, longues, & souvent doubles ou triples. Il fait de
copieuses racines qui sont peu profondes, & dont l'écorce
est d'un jaune encore plus vif que celles des tiges. Sa feuille
est ovale, finement dentelée, d'un verd tendre, & d'un
goût aigrelet. Au commencement de Mai l'arbrisseau donne
ses fleurs, qui durent pendant trois semaines: elles sont jaunâtres
& assez apparentes, mais d'une odeur forte & desagréable.
Le fruit qui succede est cylindrique, d'une belle couleur rouge,
disposé en grappe comme la groseille sans épines,
& d'un goût fort aigre, mais rafraîchissant &
très - sain. Il mûrit au mois de Septembre.
Cet arbrisseau s'éleve jusqu'à dix piés quand
on le cultive, mais le plus souvent il n'en a que quatre ou cinq.
Il vient à toute exposition, & dans tous les terreins;
cependant il se plaît davantage dans les terres fortes &
humides. On peut le multiplier de graine, c'est la voie la plus
longue; de branches couchées, qui font de bonnes racines
la même année; de rejettons, que l'on trouve ordinairement
au pié des vieux arbrisseaux, & c'est le plus court
moyen; enfin par les racines mêmes, qui reprennent &
poussent aisément en les plantant de la longueur du doigt.
Le meilleur service que l'on puisse tirer de cet arbrisseau, c'est
d'en former des haies vives qui croissent promptement, qui font
une bonne défense, & qui sont de longue durée.
On fait quelqu'usage en Bourgogne du fruit de cet arbrisseau,
qui y est fort commun; on en fait des confitures, qui sont en
réputation. L'écorce de ses racines a la propriété
de teindre en jaune; on s'en sert aussi pour donner du lustre
aux cuirs corroyés.
On connoît six especes ou variétés de cet
arbrisseau.
1. L'épine - vinette commune; c'est principalement à
cette espece qu'on doit appliquer ce qui vient d'être dit
en général.
2. L'épine - vinette sans pepin; c'est une variété
accidentelle qui se rencontre dans quelques vieux piés
de l'espece commune, qui ont été cultivés,
& qui sont sur le déclin: encore se trouve - t - il
souvent que tous les fruits du même arbrisseau ne sont pas
[p. 801] sans pepin. Mais cette variété n'est pas
constante: il n'est guere possible de la perpétuer par
la transplantation des rejettons de l'arbrisseau dont le fruit
est sans pepin; parce que ces rejettons acquérant par ce
déplacement de nouvelles forces, ils font des plants vigoureux,
qui perfectionnent leur fruit & produisent des semences: quoiqu'il
puisse encore arriver que ces rejettons transplantés donnent
pendant un tems des fruits sans pepin, relativement au degré
de culture & à la qualité du terrein. Ceci s'accorde
avec l'observation que l'on a faite, que c'est sur les plus vieilles
tiges de l'arbrisseau que l'on trouve des fruits sans pepin, &
que c'est tout le contraire sur les jeunes rejettons qui sont
sur le même pié.
3. L'épine - vinette à fruit blanc; c'est une variété
qui est fort rare, & qui ne differe de l'espece commune que
par la couleur du fruit.
4. L'épine - vinette de Canada. Cet arbrisseau, qui se
trouve dans la plûpart des pays septentrionaux de l'Amérique,
est aussi robuste & s'éleve à la même
hauteur que l'espece commune, dont il differe surtout par sa feuille
qui est plus grande, & dont l'arbrisseau n'est pas si garni.
5. L'épine - vinette de Candie. Cet arbrisseau est fi rare,
que n'étant point encore connu en France, il faut s'en
tenir à la description qui en a été faite
par Bellus medecin de l'île de Candie, & qui a été
donnée par J. Bauhin. " Il s'éleve à
six ou sept piés; il est hérissé d'une grande
quantité d'épines qui ont trois pointes, comme celles
de l'espece commune. Sa feuille est petite, legerement dentelée,
& d'une forme approchante de celle du buis. Il donne beaucoup
de fleurs jaunes, ressemblantes à celles du palivre, mais
plus petites. Le fruit qui en provient contient une ou deux graines;
il est cylindrique comme celui de l'épine - vinette commune,
mais il ne vient point en grappe; il est de couleur noire, &
il rend au goût un mêlange d'acide & de douceur.
L'écorce du bois de cet arbrisseau loin d'être lisse,
comme dans l'espece commune, est raboteuse & d'une couleur
grisâtre. Son bois est jaune, ainsi que sa racine, dont
on peut faire la plus belle teinture ".
6. L'épine - vinette du Levant. Cet arbrisseau qui a été
découvert par Tournefort, dans son voyage au Levant, est
aussi rare & aussi peu connu que le précédent.
Tout ce que l'on en sait, c'est qu'il fait un plus grand arbrisseau
que ceux dont on vient de parler, & qu'il produit un fruit
noir très - agréable au goût. (c)
Epine - vinette, berberis, (Pharm. & Mat. méd.) Il
n'y a que les fruits de cet arbrisseau qui soient usités
en Pharmacie; on en exprime le suc, dont on fait le sirop &
le rob; on nettoye les pepins, & on les fait sécher,
pour s'en servir dans differentes compositions; comme le suc exprimé
entre aussi dans plusieurs préparations, on en conserve
sous l'huile. On trouve chez les Confiseurs les grains d'épine
- vinette confits avec le sucre, aussi - bien que la gelée
des mêmes fruits.
Le suc de berberis étoit un des menstrues que les Chimistes
employoient pour faire ce qu'ils appelloient teinture de corail,
de perle, &c.
Sîmon Pauli préparoit un sel essentiel d'épine
- vinette, qu'il appelloit tartre de berberis. Il prenoit deux
livres de suc de ces fruits bien dépuré; il y ajoûtoit
deux onces de suc de citron, il faisoit évaporer à
un petit feu jusqu'à ce que la liqueur fût réduite
à moitié, & il la mettoit dans un endroit frais;
au bout de quelques jours, il la retiroit du vase, dont le fond
se trouvoit couvert de quantité de crystaux; il faisoit
évaporer derechef le suc qui lui avoit fourni ces crystaux,
& il en retiroit des nouveaux, &c.
Le suc d'épine - vinette occupe dans la classe des corps
muqueux, l'extrème marqué par l'excès d'acide,
avec le citron & les groseilles, auxquels il peut être
substitué, & qui sont réciproquement ses succédanés
propres.
La gelée, le rob, le sirop de berberis, sont des analeptiques
rafraîchissans, qui ont toutes les propriétés
des doux - aigrelets.
Le suc de berberis entre dans le sirop magistral astringent; ses
pepins dans la poudre astringente, dans l'électuaire de
psyllium, de diaprun, la confection hyacinthe, le diascordium,
&c. (b)
Source Encyclopédie ou Dictionnaire
raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une Société
de Gens de lettres rédigé entre 1751 et 1772 sous la
direction de Diderot.
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